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La Normandie et le Bessin en 2100

publié le 17 novembre 2024,
par Camille Le Gac

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Laboratoire du littoral - Bessin

La Normandie et le Bessin en 2100

(Texte lu en introduction de l’atelier éco-fiction Asnelles et St-Côme 2100)

“ Nous sommes en 2100, les raports du GIEC ont vu juste. En Normandie, il fait en moyenne 3,5 degrés de plus, nous avons jusqu’à 30 jours de canicule par an. Le nombre de pluie a diminué de 15%, mais les précipitations violentes et tempêtes se sont intensifiées. L’eau potable est de plus en plus rare, et les eaux souterraines sont souvent salinisées. Entre les aléas météorologiques et l’augmentation du niveau de la mer de +1m10, le trait de côte a beaucoup reculé, et les inondations sont de plus en plus fréquentes.

La biodiversité a fortement diminué et a beaucoup évolué. Le bulot et la coquille Saint-Jacques ont complètement disparu, et la production de la pêche a chuté de 20 à 25%. L’eau, le sol et l’air sont pollués et cela à un impact direct sur notre espérance de vie qui a baissé de 10 ans. Les marais exposés aux inondations par la terre et la mer ont évolué naturellement en suivant leur cours. Les activités humaines ont dû s’adapter, avec une transformation de l’agriculture, de la conchyliculture, de l’aquaculture…

Certaines constructions en zone basse ont été déconstruites ou abandonnées, et reconstuites dans des espaces plus sûrs. Ces zones en front de mer ont parfois retrouvé leur état naturel, et de nombreux cordons dunaires ont été restaurés. Les fronts de mer urbanisés et les ports se sont adaptés à une mer plus agressive, et les espaces ont été organisés pour vivre avec des franchissements de paquets de mer au quotidien. De nouvelles activités économiques ont pris place sur le littoral et remplacent les activités aujourd’hui disparues. En haut des falaises, de nombreux sites se sont effondrés dont plusieurs sites emblématiques du Débarquement.

Dans le Bessin, depuis 2025, ce sont 2300 logements touchés par les risques naturels (érosion, montée des eaux, submersion, etc.) Sont également impactées 45000 ha de terres agricoles et de nombreuses activités économiques et touristiques.

400 habitations dont 200 habitants en résidence principale, situées dans la zone basse d’Asnelles et de Saint-Côme sont touchées chaque hiver par des inondations, cela représente 50 cm d’eau pendant une trentaine de jours. Tous les trois ans environ, la conjoncture des phénomènes exceptionnels provoquent l’inondation de la totalité des maisons de la zone basse, avec près d’1m50 d’eau dans les rues. A Saint-Côme, la falaise s’est érodée sur 20 mètres, les deux premiers rangs de maison ont totalement disparu.

Suite aux ateliers de concertation du laboratoire du littoral en 2024, les bénévoles de ce laboratoire mènent un grand plan d’action pour anticiper au maximum ces risques naturels. Non sans peine, ils ont réussi à agir avec une bonne partie de la population, notamment avec le comité des habitants du quartier de Roseaux Plage. L’état et Gemapi n’ayant pas pu investir dans la restauration des enrochements, le comité de ce quartier s’est reconstitué dans les années 2030 pour tenter de le sauver collectivement.

L’ASA, aidée par l’impôt des habitants, a pu multiplier ses actions pour la sauvegarde naturelle du littoral et des espèces, elle est devenu une association de pointe, et développe diverses actions peu onéreuses et simples à mettre en place dans de nombreux quartiers pour préserver, atténuer, renaturer, ensauvager la dune….

Le quartier de Roseaux Plage a subi lourdement les catastrophes naturelles. Les grandes directions à suivre et les actions concrètes pour ce quartier ont donc peiné à se mettre en place, et de nombreux conflits sont apparus. Mais face à l’ampleur des enjeux, les habitants ont finalement réussi à se mettre d’accord, et travaillent désormais en collectif pour trouver des solutions d’adaptations malgré le manque de moyens alloués.

L’état est seulement intervenu une fois depuis 2025, lors de la fameuse et légendaire tempête Emma en 2033 qui a causé une dizaine de morts et de nombreux dégâts. Une restructuration complète de la digue a été faite juste après la tempête en urgence. Malheureusement, cette rénovation n’a pas suffit, la digue n’est plus efficace face aux déchaînements des risques et est complètement détériorée.

La Gronde continue aujourd’hui d’inonder régulièrement la commune, malgré de nombreuses adaptations. Face à la récurrence des événements, il fallait encore investir dans une douzaine de pompes électriques et à essence ; inconcevable pour la commune, il a fallu trouver d’autres solutions. Les pompes ont fini hors-service car l’utilisation du groupe électrogène était beaucoup trop onéreux pour la commune, et les pompes étaient obsolètes lors des coupures de courant.

Les maisons le long de la digue, avec leur fort caractère patrimonial ont suscité plus d’intérêt et de consensus général pour leur sauvegarde. Malgré tous ces efforts, elles se retrouvent fréquemment les pieds dans l’eau, et leur conservation est de plus en plus difficile.

Les marais de Meuvaine ont laissé la place à la mer et à l’eau, et le paysage et les espèces végétales se sont adaptées à ce nouvel écosystème.

Malgré de nombreuses années difficiles, l’entraide et le soutien restent majoritaires face à ces risques naturels du quotidien qui ne cessent d’évoluer et de s’accentuer. Le peu d’aide financière, la perte de biodiversité, de l’accès à l’eau potable, aux ressources, à l’énergie etc, ont profondément transformé notre société. La sobriété et la frugalité sont notre mot d’ordre, nous n’avons plus le choix. Nous ne pouvons plus gaspiller et perdre notre temps à des solutions futiles et court-termistes. Nos solutions sont fondées sur le bon sens, la simplicité et la nature, comme le faisaient il y a longtemps, nos anciens. “

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