Les prémices de la Résidence

AU DÉPART ÉTAIENT DEUX CONSTATS :

Le Bassin versant de la Touques (Document de l’Office Français de la Biodiversité)

• Le bassin versant de l’Orne et le cours complet du fleuve occupent peu de place dans l’imaginaire collectif malgré une réalité et un impact géographique fort. Ce dernier est à cheval sur 2 départements, il comprend le cours de l’Orne et de tous ses affluents, pour une surface équivalente à la moitié de celle du département du Calvados. D’une rare richesse géographique, écologique et culturelle, il traverse des paysages identitaires normands. En dehors des personnes qui travaillent sur cette échelle et du fait des limites administratives et bassins de vie, il est rarement décrit et considéré comme un ensemble. Pourtant les bassins versants sont de puissantes « machines géographiques » qui par l’eau mettent en lien les êtres vivants de l’amont à l’aval, d’une rive à l’autre. Ils ont un impact essentiel dans la formation de nos paysages vécus (pratiques et héritages liés à l’eau, érosion et topographie, sources d’une variété de milieux vivants, etc.).Ici une carte et description en quelques chiffres du bassin versant de l’Orne et son estuaire.
  De ce bassin versant je ne connais pas encore grand-chose, et il est difficile de trouver en ligne des informations sur le bassin versant de l’Orne dans sa globalité, voici un symptôme qui confirme un peu notre constat.

• Les impacts des changements climatiques à l’œuvre sont peu étudiés à l’échelle locale et donc peu « débattus », tant dans leurs effets que dans les moyens que nous avons de nous y adapter et d’en limiter les causes. Nous avons la chance en Normandie d’avoir un GIEC régional, qui en reprenant les conclusions des rapports internationaux et recherches locales, tente une description des effets et risques du changement à l’échelle de la région (par ici une vulgarisation vidéo des travaux du GIEC Normand). Malgré ce travail de qualité à échelle régionale, il reste difficile de se rendre compte des effets du changement sur nos territoires vécus et bassins de vie localement (à l’échelle d’une commune, d’une vallée, d’un coteau par exemple). Si le GIEC rassemble les études de nombreuses disciplines, certains aspects, plus sociaux et politiques, ne sont pas traités, car ils relèvent de nos comportements et non de données objectives, quantifiables.
  De ce sujet j’essaye modestement de faire une des bases de ma pratique de paysagiste. Je mets alors au cœur de tout projet la recherche des héritages, mais aussi des futurs des sites d’études, ce qui me permet alors d’introduire la question de la résilience climatique dès à présent et dans une continuité d’adaptation à notre milieu de vie (hier, aujourd’hui et demain).

PAS DE FINALITÉS DÉFINIES MAIS DES QUESTIONS A PARTAGER AVEC LES ACTEURS DU TERRITOIRE :

Des deux constats précédemment cités, émane une question ouverte qui nous servira de leitmotiv pour la résidence :
Comment en tant qu’architecte, paysagiste, urbaniste, structure culturelle, mais aussi comme citoyens, pouvons-nous contribuer à la mise en débat et l’expérimentation de nos capacités d’adaptation et de réduction du changement climatique ?
Changement qui aura un impact sur notre vie et nos pratiques à tous.

Alors nous envisageons la résidence comme un moyen de réfléchir à ces questions joignant nos forces, d’une part mes compétences en paysage / géographie et d’autre part l’extraordinaire expérience de Territoires pionniers comme acteur culturel, de médiation et de résidences en Normandie depuis plus de 10 ans. Je serai donc suivi par Elisabeth Taudière (directrice de Territoires Pionniers), mais aussi assisté dans mes recherches par Bertille Poutrel (stagiaire durant les 3 premières périodes de résidence et étudiante à la faculté de géographie de Caen) et en échange permanent avec Félix Pareja, Kieran Jessel, Adèle Bardot (respectivement président, coordinateur et stagiaire de la structure).

De mon côté je mets à disposition ma modeste expérience d’agence en tant que paysagiste. Installé en tant que paysagiste en Normandie à mon compte depuis deux ans j’ai, en 2020, participé à l’appel à idées lancé par le CAUE 14 qui visait à s’interroger sur la résilience climatique et l’eau pour le territoire de la basse vallée de la Touques à horizon 2040 (par ici le lien vers l’ensemble des propositions regroupées en un livre avec les 19 projets, dont les 4 lauréats). Si je n’ai pas été lauréat de l’appel à idées, j’ai profité de cette occasion pour m’interroger sur la notion de résilience et de projet à l’échelle d’un territoire. Dans ce projet j’ai alors tenté de définir un processus de travail, plus qu’un plan guide dessiné. Ce processus imaginait la création de stations d’expérimentation du changement climatique et de l’évolution de nos pratiques : les Stations Climax. Mises en réseau dans une constellation de stations solidaire, sous une forme inspirée de la coopérative agricole, elles prenaient appui sur les acteurs et démarches existantes pour :

• Partager et créer de la connaissance sur les impacts des changements à venir
• Expérimenter sur tout le territoire des solutions d’adaptation aux effets et de réduction des causes
• Créer de nouveaux milieux naturels et de vie
• Donner à voir et faire de la pédagogie sur le devenir de nos paysages et pratiques

Le principe du développement des stations climax sur la basse vallée de la Touques

Cette base de travail et de réflexion sera un des points de départ de la résidence engagée ce début juin car elle constitue pour moi une sorte de pré-recherche sur le sujet. Elle doit être enrichie de mes rencontres sur le terrain, mais aussi de la démarche de Territoires pionniers et des autres résidences passées ou menées en parallèle de la mienne sur les territoires normands par d’autres professionnels, auteurs, artistes, architectes urbanistes (mis en valeur ici sur le site de Territoires pionniers)

NOTRE PLAN D’EXPLORATION

La résidence sera alors constituée de trois grands actes d’exploration et de confrontation du sujet au terrain, en appui à l’expertise et la connaissance des acteurs locaux que possède Territoires pionniers :

• Acte 1 (juin – octobre)– explorer et comprendre le socle géographique, les tendances climatiques et les acteurs (et leur vision) présents à l’échelle de tout le bassin versant. Analyses cartographiques et rencontres de personnes travaillant à l’échelle du bassin versant seront les outils majeurs de cet axe.
• Acte 2 (novembre – janvier)– choix d’un tronçon et exploration précise des réalités géographiques, paysagères, culturelles et climatiques. Sorties "terrain" et rencontres d’acteurs locaux seront à l’œuvre sur cette période.
• Acte 3 (février – mars/avril) – Projeter, communiquer. Nous ne savons pas de quelle manière et quelle forme cela prendra encore, mais elle devra rendre compte de la résidence et explorer les futurs et des potentiels d’expérimentations partagés. Les outils restent ici encore à définir.