ACTE 1 | Explorer le bassin
publié le 7 juillet 2022,
par Maël Trémaudan
Maël Trémaudan – professionnel associé (2022-2023)
Arrivé le mardi 7 juin, j’entame la résidence bien accompagné par Élisabeth qui nous à prévu deux rencontres clés et introductives à la démarche durant la semaine.
Visite à l’AUCAME :
La première rencontre se fait avec l’AUCAME, l’Agence d’urbanisme de Caen Normandie Métropole (aller visiter leur site et ce qu’ils font par ici). Elle est composée de professionnels de l’aménagement et de l’environnement qui travaillent sur une bonne partie du bassin versant de l’Orne côté Calvados et nous avons la chance de rencontrer une partie de l’agence. Nous échangeons rapidement sur nos travaux et profils respectifs et nous leur présentons le cadre de la résidence. S’en suit une discussion ouverte et riche.
Ils ont tous une forte conscience de ce qu’est le bassin versant de l’Orne et partagent nos premiers constats : le bassin versant existe peu dans l’imaginaire collectif, les « réalités et projections » du changement climatique sont elles aussi peu connues et/ou partagées.
Nous partageons aussi l’intuition que le temps est propice à un développement d’actions concrètes et partagées sur la question du climat dans la vallée de l’Orne : le dernier rapport du GIEC international et local est sorti il y a peu, de nombreuses démarches locales/départementales/régionales sont en cours de lancement sur la question de la résilience climatique. Nous apprenons donc qu’un atlas régional des paysages est en cours, que la région travaille aussi sur la concrétisation de la Stratégie Régionale sur la Biodiversité, mais aussi que l’AUCAME travaille avec certaines collectivités sur les questions d’alimentation et sur le PLAN CLIMAT ÉNERGIE qui sont en forte résonance avec les questions que nous nous poserons lors de la résidence.
In fine nous prenons donc beaucoup de noms et de contacts, et nous nous rejoignons largement sur l’important de faire des questions du changement climatique un sujet de discussion citoyen à concrétiser, autour duquel il nous faudra aller chercher et intéresser les gens sans alarmisme.
La section Caen-Pont d’Ouilly, que Territoires Pionniers avait déjà pressentie comme une section à enjeux, semble aussi ressortir comme un lieu propice à nos réflexions : un secteur reconnu pour sa valeur touristique (Suisse Normande), riche d’un passé industriel atypique (mines de fer et moulinages), dynamisé par l’arrivée et le passage de l’Eurovéloroute « La VéloFrancette » qui lui donne une visibilité et un attrait tout particuliers.
Rencontre sur site avec le CPIE :
Le surlendemain nous prenons la voiture avec Bertrand Morvilliers du CPIE Vallée de l’Orne (Centre Permanent d’initiative pour l’environnement, en savoir plus sur leurs activités et animations ici) pour une exploration de la vallée entre Fleury-sur-Orne, aux portes de Caen, et Pont de Brie.
- Première exploration de la vallée de l’Orne avec le CPIE, ici à Pont de Brie, avec Elisabeth Taudière, Bertrand Morvilliers et Bertille Poutrel
Bertrand nous distille sa connaissance fouillée du territoire, son passé industriel, son socle géologique et ses transformations récentes. Durant toute la visite, nous partageons nos points de vue et nous rejoignons là aussi sur la plupart des constats.
Ce qui me marquera particulièrement durant cette visite c’est l’évolution rapide de la vallée dans les 50-100 dernières années. Autrefois haut lieu de guinguettes près de Caen, Bertrand nous explique qu’elle est plus difficilement accessible après Caen du fait des coteaux et falaises qui l’entourent. Pour rejoindre l’Orne en voiture sur cette section, il faut sans arrêt sortir de la vallée et y revenir plus loin. C’est cette difficulté d’accès qui l’a en partie préservée de l’urbanisation et du passage d’infrastructures.
Aussi la vallée est d’une richesse géologique incomparable, elle sera un des lieux qui permettra la formalisation de grandes théories d’archéologie et de géologie (par Arcisse de Caumont dont voici un des exemples de carte). À cheval sur le bassin parisien plutôt calcaire et le Massif armoricain (roches dures issues d’une ancienne chaîne de montagne et activités magmatiques), elle compose une sorte d’atlas géohistorique de la terre, condensé en quelques kilomètres. C’est aussi pour cela qu’elle sera entre le XIXe et le XXe un site d’extraction prisé (minerais de fer, mais aussi matériaux de construction dont certains sont toujours extraits de la vallée à l’heure actuelle).
Nous finirons cette balade en nous disant là aussi que la Vélofrancette (sur laquelle nous croiserons de nombreux cyclistes) est un des lieux privilégiés d’observation de la vallée et de ses évolutions. En effet elle permet de suivre le fleuve sur une longue section peu identifiée à ce jour comme appartenant à la vallée de l’Orne, elle passe à proximité de sites historiques et géologiques forts et crée donc un pont entre héritages / usages actuels et futurs de la vallée, elle draine de nombreux usagers touristes ou visiteurs locaux, elles agrègent déjà depuis sa mise en place récente de volontés de projets, elle traverse les deux grandes entités géologiques du bassin versant (bassin parisien et Massif armoricain) et sera donc soumise aux enjeux climatiques de ces deux grandes entités.
Fouiller le territoire et construire les premiers outils d’interprétation et de compréhension de la vallée :
- Début des recherches géographiques
Entre toutes ces rencontres, je commence mon travail de recherche cartographique et documentaire sur le bassin versant de l’Orne (Bertille m’avait au préalable préparé un fond de carte bien complet). L’objectif est de comprendre les fondamentaux de la géographie du bassin versant de l’Orne.
Je me pose alors la question de ce qui constitue les éléments principaux de sa géographie et des activités humaines qui s’y sont développées : quelles sont-elles et quelles sont les raisons de leur implantation ?
Ce travail est une recherche par couches (enrichie par les rencontres faites précédemment).
Je consulte les cartes géologiques, IGN, les données agricoles fournies par la chambre d’agriculture, je cherche à comprendre le fonctionnement hydrologique global de la vallée (d’où viennent les eaux de l’Orne et où vont-elles), qu’est ce qu’on produit où, quelle est la topographie du bassin versant, quelles sont les grandes tendances météorologiques du bassin, etc.
Ce travail de recherche tous azimuts m’amène à produire une série de cartes à la main sur calque au format A3 et sur fond IGN. Cette petite dizaine de cartes tentent une première schématisation des grandes séquences géologiques du bassin versant que je commence à croiser avec les activités humaines qui y prennent place.
À la fin de la semaine, j’entrevois un découpage en grandes séquences de la vallée.
Je présente ce travail à l’équipe de Territoires pionniers et nous échangeons sur ce qu’il nous révèle du territoire, ce à quoi pourrait nous servir cette ébauche de travail et la direction que cela nous donne pour la suite. Il en ressort rapidement que ces cartes (tout modestes et mal dessinées qu’elles soient) nous permettent rapidement de nous resituer le bassin versant et ses grandes tendances géographiques.
- A la fin de semaine, je remplis un mur du local de Territoires pionniers avec des cartes et schémas thématiques.
Nous décidons donc qu’il serait intéressant de les remettre au propre pour constituer un livret simple de découverte du bassin versant de l’Orne, ce petit livret de cartes et schémas pourra être amendé durant toute la résidence à chaque fois que nous découvrirons, défricherons un sujet. Cet outil pourrait être agrémenté de photos anciennes (datant du début de XXe siècle) et des photos récentes des mêmes lieux. Cette mise côte à côte des même site à 100 ou 50 ans d’écart illustrerait l’évolution de la vallée et de ses pratiques. Ainsi, et selon les résultats et le fonds disponible, nous pourrions mieux illustrer la rapidité des évolutions paysagères et le caractère relativement récent de certains éléments auxquels nous sommes aujourd’hui attachés. Ce travail de mise en perspective pourrait nous donner une sorte de porte d’entrée pour évoquer ensuite les potentielles transformations géographiques et usagères à venir en lien avec les évolutions climatiques.
En parallèle nous discutons des objectifs de la prochaine session : poursuivre la rencontre avec des acteurs qui travaillent à l’échelle de tout ou partie du bassin versant (la région, les syndicats des eaux, etc.) et des experts sur quelques uns des sujets que nous avons commencé à explorer afin de conforter notre première lecture du territoire et de voir poindre les premiers enjeux sur ces sujets. À ce titre nous prenons contact avec l’université de Caen et quelques membres du GIEC normand ainsi que certains services du département.